Je ne me lassais pas de plonger mon regard dans les yeux bleus de la jeune femme qui se tenait devant moi. Je savais bien sûr que son maquillage était réalisé dans cette intention mais je savais aussi que son maquillage n’était pas vraiment en cause et qui si jamais me perdre tellement dans se regard, c’était simplement que j’en avais envie et j’étais certain, au fond de moi, qu’elle devait également être sublime lorsqu’elle n’était pas habillée et maquillée comme elle l’était devant moi. Puis je me rendis compte que je la regardais un peu trop et qu’elle s’apercevrait peut-être que je la « dévorais » du regard… Je perdais pied devant elle, c’était déroutant, vraiment. Je profitais d’ailleurs d’un instant de lucidité pour replonger mon regard dans mon plat et y piocher un morceau avant de le manger. Il fallait absolument que je me calme, après tout, ce n’était pas forcément du meilleur goût… J’espérais sincèrement que la jeune femme ne le prendrait pas mal.
Alors qu’elle me parlait un peu des habitudes des Japonais, et notamment, de cet ancrage si connu dans leur passé, que j’appréciais tout particulièrement. En effet, ces gens savaient vivre dans le futur tout en honorant leurs traditions, leurs ancêtres et leur histoire. Dans les contrées occidentales, le passé était souvent bien trop souvent méconnu des nouvelles générations totalement tournées vers le futur… L’oubli était la pire des choses que l’on pouvait offrir à notre passé. Elle m’expliqua aussi la culture que devait avoir les geishas pour pouvoir s’entretenir de tout avec leurs clients, et que si elle n’aimait pas trop discuter politique, elle s’intéressait beaucoup aux temps anciens où les samouraïs défendaient des valeurs que trop d’occidentaux avaient depuis oubliés.
Puis, quelques instants plus tard, elle me félicita de mon courage. Félicitations auxquelles je répondis par un sourire gêné, après tout, je n’étais pas vraiment habitué aux compliments, surtout lorsqu’ils venaient d’une jeune femme. Elle parla ensuite un peu plus d’elle-même, de son passé, de l’homme qui l’avait trahi… J’eus alors un pincement au cœur et me demandait si elle avait tiré un trait assez épais sur cette histoire ou si plus jamais elle n’accorderait sa confiance à un homme. Oui, en cet instant, je m’étais demandé si je parviendrais à la faire changer d’avis, lui montrer de quoi les hommes étaient vraiment capables, lorsqu’ils… Aimaient vraiment. Je compris maintenant ce qui m’arrivait depuis cette fameuse rencontre, oui… Cela avait été le coup de foudre, si l’on pouvait dire. Voila pourquoi je ne pouvais pas m’empêcher de plonger dans son regard, de l’admirer et de rougir quand elle vantait mes qualités…
Je sortis de mes pensées lorsqu’elle rajouta que je devais surement la prendre pour une « étroite d’esprit », mais je comprenais parfaitement ce qu’elle pouvait vivre, et c’est alors avec un sourire que je voulais au combien rassurant que je répondis :
« - Ne vous en faites pas, je comprends parfaitement… La souffrance laisse des traces et il est normal de ne pas vouloir revivre des moments douloureux, néanmoins, il ne faut pas oublier que chaque instant que nous vivons est différent et que ce qui semble pour nous se répéter est en fait un nouveau chemin sur lequel il nous est donné d’avancer. »
Piochant à nouveau dans mon plat qui serait bientôt terminé, je tournais la tête pour voir si Fenrir se régalait et reposait mes yeux sur Perle. Décidément, elle était vraiment belle… Et alors qu’elle me confirmait que sa soupe était délicieuse, je ris avec elle à son jeu de mot, puis rajoutait :
« - Et… Vous faites quoi de vos journées à Moscou ?Enfin, quand vous ne travaillez pas, j’entends. »